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Tourner la page

Très difficile de trouver les mots justes pour expliquer mon absence depuis mon dernier article sur « Visiter Metz« …

J’ai eu besoin de plusieurs jours pour digérer la nouvelle et mettre des mots sur ce que j’ai ressenti, afin de tirer un trait définitivement. Tourner la page et passer à autre chose… Prendre la plume aujourd’hui fait partie de ma « thérapie », mettre noir sur blanc la décision que j’ai prise est je pense primordiale pour avancer mais surtout réaliser le chemin parcouru.

A l’occasion de cet article, j’ai décidé d’utiliser un shooting réalisé dans les champs de blé à Vezelise (Lorraine) l’an dernier… Je trouvais qu’il n’y avait pas mieux pour illustrer le fait de tourner la page et de savoir où j’allais… 

Du rêve…

En 2010, j’achevais un Master en histoire de l’art à l’université de Nancy et me lançais dans un doctorat d’abord à Paris puis à Lille. A ce moment là de ma vie, c’était un rêve qui se réalisait mais également un projet professionnel solide : devenir enseignante-chercheur et me consacrait à la recherche. Je n’en démordais pas, je savais que mon choix de carrière était mûrement réfléchie et je savais que j’allais réussir. Pendant les 4ères années, je me suis donnée corps et âme à mes études. Je passais des heures à dépouiller, lire et analyser des milliers d’archives de la Lorraine du XVIIe siècle, écrit en vieux français bien évidemment. Mon sujet « La consommation vestimentaire du duc Henri II de Lorraine et Marguerite de Gonzague » avait un énorme potentiel : sujet inédit bien entendu, des archives non exploitées et méconnues, le prestige d’une famille italienne… Je parlais avec beaucoup d’entrain et passion de mes découvertes à mes amis, lors de mon premier rendez-vous avec l’amoureux ou à l’occasion de colloques. J’ai réellement adoré chacune de ces longues heures de recherches et de partage. J’ai adoré écrire mes premiers articles scientifiques et être considérée comme la référence à ce sujet alors que je ne me suis jamais sentie à ma place (voir le billet de Eleonore Bridge sur le syndrome de l’imposteur).

…A là désillusion

Un jour… ou alors ça s’est fait plus lentement, je ne sais plus trop à quel moment ça s’est produit exactement, mais j’étais devenue la reine de la procrastination. Le moindre prétexte était bon pour ne pas me mettre à mon bureau et travailler cette thèse : faire du tri, ménage, me lancer dans des nouveaux projets ou cumuler plusieurs jobs… Et quand enfin j’y arrivais, je fondais en larmes ou étais prise de nausée.

Fin 2014, j’ai eu besoin d’écrire quelque chose de plus léger, une sorte d’échappatoire. J’ai eu besoin d’apprendre, de me lancer des nouveaux défis et de me dépasser : je me suis alors mise à la pâtisserie, à de nouveaux logiciels (photosphop, sony vegas pro…) mais surtout me lancer dans un premier puis un second blog (je vous en parlais par ici). La panne d’inspiration ou le manque de confiance en moi, je le comblais avec le blog. Plus le temps passait, plus j’angoissais, plus je n’arrivais pas à écrire et à avancer sur ma thèse.

D’année en année, ce qui avait été une passion est devenue un véritable cauchemar. Une horreur!!! Peu de gens comprenaient et pouvaient comprendre dans l’état où je me trouvais. Mes parents, les premiers à me soutenir, n’ont toujours pas compris… Mes amies étaient présentes mais ont mis du temps à voir ce qui se passait. L’amoureux me soutenait, me réconfortait et m’encourageait toujours, me disait de me battre mais lui seul me voyait dépérir. Il me voyait me rendre malade littéralement pour cette thèse. Crises d’angoisse et de pleurs, insomnies et déprime faisaient partie de notre quotidien. Je me rattachais sans cesse à ce rêve de petite fille, à ce désir de changer l’histoire avec mes découvertes et à cette passion qui m’avait animé depuis des années… jusqu’au jour où j’ai craqué et fais un burn-out. Je continuais à me rattacher à cette thèse pourtant…

Les années passées et j’avançais à pas de souris dans la rédaction. Chaque page écrite était un supplice pour moi à tel point que je rendais en mai dernier les deux premières parties de mon travail (75 pages + 50 pages annexes/bibliographie). Alors que j’avais obtenu un délai supplémentaire de la part de mon université et école doctorale (mars 2018), que j’avais repris douloureusement l’écriture, la pire des nouvelles m’est tombée dessus.

Le choc de la nouvelle

Il y a une vingtaine de jours, le plus grand bordel a envahi ma tête et mon cœur, et je ne savais plus qui j’étais, ce que je voulais faire sur le plan professionnel. L’amoureux et mes amies Caro, Caroline et Alexandrine n’ont pas hésité à me soutenir et à me mettre un coup de pied aux fesses afin que j’avance. Vous vous demandez ce qui a bien pu me mettre dans un tel état?

Début août, ma directrice de thèse m’annonce par mail que je ne pourrai pas finir ma thèse, qu’elle ne me laisserait pas me présenter à la soutenance car mon travail ne correspondait pas à ses attentes, qu’il fallait que j’arrête de me battre et passe à autre chose étant donné que j’avais commencé une nouvelle vie au Canada. Le choc! Du dénie à l’anéantissement, je pense être passée par toutes les phases… Je fondais en larmes et je vivais ça comme un échec. Après tout, ce doctorat définissait qui j’étais, du moins je le pensais…

8 ans que j’avais consacré ma vie à cette thèse. 8 ans que j’avais sacrifié. 8 ans que je m’interdisais d’avancer sur le plan personnel, avec l’amoureux, ou professionnel… ou du moins j’avançais au ralenti par rapport à nos désirs.

La prise de conscience

Il est évident maintenant que j’aurai dû l’arrêter bien avant. Que ce n’était plus une passion et que je ne m’épanouissais absolument plus en la faisant ou plutôt en m’obstinant à la faire. Je me levais le matin la boule au ventre et m’en suis rendue malade.

Je faisais un réel blocage non pas sur la thèse en elle-même mais sur la peur de l’échec. Avoir investi tant d’années, avoir tant sacrifié, et ne pas réussir. J’avais clairement la trouille!!! La peur a pris le pas sur la passion, et j’ai repoussé encore et encore l’écriture. Je peaufinais, j’effaçais, je recommençais… jusqu’à ce que je ne fasse plus rien! Les jours où je ne travaillais pas sur cette maudite thèse, elle était présente dans mon esprit et un sentiment de culpabilité m’envahissait constamment. Je ne pouvais pas regarder un film avec l’amoureux sans me dire que ce temps pourrait servir à travailler, à avancer…

Pourquoi est-ce que l’échec nous terrorise autant? Dans notre société où l’excellence est mise constamment en avant, il est tout à fait normal de ne pas vouloir échouer. Ça commence dès le primaire où en France, au lieu de mettre en avant les éléments justes, le professeur t’entoure en rouge tes fautes et te pénalise.

Se relever & tourner la page

Après m’être apitoyée sur mon sors pendant des jours, pris du temps pour moi… je me suis rendue compte que ces 8 ans de thèse m’ont enseigné une méthodologie et une rigueur de travail tandis que cet échec m’a appris énormément sur moi-même, sur ce que je voulais faire dans la vie. Je ne voulais juste pas admettre qui j’étais ou je n’étais simplement pas prête à le faire. Je suis quelqu’un qui ne peut rentrer dans un moule, qui a besoin de beaucoup de libertés, de challenge et d’exprimer sa créativité (même si je ne sais ni dessiner, ni chanter ou jouer d’un instrument)… La voie professionnelle que j’avais choisi, pouvait correspondre à cette jeune étudiante il y a 8 ans, mais elle ne me correspondait clairement plus. Je déteste l’hypocrisie, les conventions et écraser les autres pour réussir (bonjour le monde des bisounours où tout le monde est gentil!), deux choses que j’aurai retrouvé dans le milieu des requins universitaires.

« Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.” de Winston Churchill

Je ne sais toujours pas où je vais clairement, mais je me suis posée trois questions :

  • À quoi est-ce que je voudrai concrètement passer mes journées ?
  • Qu’est-ce que je ne voulais plus jamais sacrifier pour mon travail ?
  • Qu’est-ce qui m’empêche aujourd’hui de vivre comme j’aimerai ?

J’ai soudainement pris conscience que pour moi, réussir dans la vie ce n’était pas d’avoir achevé ma thèse, d’obtenir un poste à l’université et de gagner plein d’argent.

Je sais enfin ce que je veux, quel est mon but : réussir à vivre de l’écriture (blog? journaliste? écrivain?), me lancer sur youtube (ma première vidéo est par ici)  travailler de chez moi tout en gardant du temps pour mon couple et ma future vie de famille. Je veux tout simplement réussir à gagner suffisamment ma vie pour vivre au Quebec avec l’amoureux en faisant un travail que j’aime, vivre de ma passion même si le chemin est parsemé d’embûches. J’ai envie d’essayer et si j’échoue, cet échec m’apprendra encore davantage sur moi…

C’est peut-être ridicule, mais d’avoir écrit tout ça noir sur blanc, ça me permet de tourner la page, d’acter ma décision et de rendre mon nouvel objectif plus facile et réalisable.

Je pense qu’aujourd’hui, à presque 32 ans, je me sens enfin à ma place. Ça a été une longue quête, j’ai gravi des montagnes avec mon petit cartable Harry Potter, mes pin’s et mes jolies talons… je peux enfin cesser de me sentir un imposteur ou illégitime… je peux enfin être qui je suis vraiment. Une nana qui aime l’écriture et partager avant tout. 

Je vais faire un pas après l’autre et on verra bien où ça me mène. Une chose est sûre, j’ai des choses à rattraper et je vais pouvoir profiter enfin de la vie. 8 ans que je ne suis pas partie en vacances. 8 ans qu’on parle de fonder une famille et qu’on ne pouvait le faire…

Et vous, quels ont été vos échecs? Et que vous ont-ils appris?!

Soulier vert: Sarah, 33 ans, nancéienne installée au Québec. Ancienne étudiante en histoire de l'art, désormais blogueuse lifestyle et pop-culture. Un poil geek, fan de mode retro et d'Harry Potter, c'est avec une tasse de thé que je vous accueille dans mon univers.

View Comments (38)

  • Je te comprends tellement. C'est un choc de voir qu'on doit abandonner tout ce pour quoi on a travaillé dur pendant tant d'années. Mais en même temps il faut se dire que ce n'était pas du temps perdu, ou "tout ça pour rien" puisque ca t'a quand meme apporté une experienxe, des connaissances, une méthodologie de travail, etc...

    • Tu as raison, je le sais... Mais on tombe de bien haut quand même et c'est douloureux...
      Mais oui, j'ai appris énormément et acquis beaucoup d'expérience 🙂

  • J'ai lu ton article et je sais vraiment de quoi tu parles, même si je n'ai pas encore accès au cycle doctoral, je me débrouille encore avec mon mémoire de master et je procrastine toujours sachant que ma soutenance aura lieu dans les deux prochaines semaines, rien à comparer par ton état mais vraiment ton article m'a ouvert les yeux pour que je me rattrape avant qu'il faisait trop tard !
    Merci pour ton article et bonne continuation à toi, tu réussiras surement en quelque chose qui te va bien

    • Merci beaucoup d’avoir pris le temps de partager sur ton expérience 😄
      Ne baisse pas les bras pour ton mémoire et essaye de finir. Deux semaines, ça passe vite!!! Mais ne te rends pas malade pour ça... Courage à toi et préviens moi quand tu l’auras rendu et soutenu 😄
      Et si c’est pas le cas, ça restera une belle expérience pour toi et tu en auras appris davantage sur toi et tes limites💕

  • Coucou tu en as retiré des leçons et c'est le principal, tout le monde est confronté à un échec tôt ou tard quel que soit son degrés mais le principal c'est de le surmonter.Maintenant les gens se prennent trop la tête, avant on avait beaucoup moins de choses et on était plus heureux; le moderne nous complique trop les choses, on veux une télé, on veut le dernier smartphone, la voiture, les vacances mais on n'oublie le principal etre heureux !

    • Le bonheur fait dorénavant partie de mes priorités!!! Et à l’avenir, je vais écouter davantage mon corps et mon instinct 😃

    • Ouiii tu as entièrement raison!!! Et merci pour le coup de pied aux fesses, ton soutien et tous tes conseils 😁

  • En France on a pas une culture de l'échec. C'est la réussite à tout prix alors que les échecs permettent d'avancer, de savoir qui on est et de savoir ce qu on veut et surtout de savoir ce que l'on ne veut plus.
    Et un échec n'est plus un échec si on en tire des enseignements donc j'espère que tu vas trouver ta voix et je n'en doute pas :)

    • Tu as entièrement raison Eva!!!
      Oui, je suis sûre d’une chose...je ne me rendrai plus malade ainsi pour un métier, un projet... Cette épreuve ça me permettre de clairement avancer 😃

  • J'ai l'impression que parfois on sait et on ressent les choses au fond de nous, mais qu'en même temps on ne veut pas les voir ou les entendre. Par contre quand quelqu'un d'autre nous ouvre les yeux ou nous dit stop comme dans ton cas, on tombe de haut. Mais c'est un mal pour un bien. Je pense que du coup tu as pu analyser les choses et te rendre compte que tu aurais pu prendre d'autres décisions avant. Mais ne regrette rien de tes choix c'est ainsi et ça veut dire que tu devais passer par là quoi qu'il arrive. Ça fait partie de nos bagages et de notre personnalité. Bise à toi.

  • Hello Sarah,
    je comprends tout à fait ce qui t'arrive (t'est arrivé!).
    J'ai 44 ans et j'ai fais 2 burn out! Professionnel. Je ne supporte plus le travail que je fais depuis 20 ans (je suis conseillère bancaire). Cela fait quelques années, que je demande à ma DRH de changer de poste, à me renseigner sur quoi faire...Quand j'ai enfin trouvé ce qui m'anime aujourd'hui, j'ai demandé à faire une formation diplomante avec stage : malheureusement, le financement m'a été refusé par l'organisme financier. Je me suisànouveau effondrée pour la 2 ème fois : je n'allais pas pouvoir changer de vie. Je ne compte pas démissionner pour faire n'importe quel travil, je veux faire celui qui me plait mais je n'ai ni les diplomes ni l'expérience. Mon mari est musicien et n'a pas un salaire fixe. C'est compliqué. Ma drh ne veut toujours rien me proposer (et attends ma démission).
    Finalement, je vais pouvoir faire ma formation mais en ligne (elle sera quand même diplômante mais je n'aurais pas le stage...). Donc, pour l'instant je dois continuer à faire un travail qui me donne la nausée.Je reprends le travail dans 15 jours, je ne sais pas encore dans quelle agence on va me mettre. Aujourd'hui je ne supporte plus les clients ni l'entreprise.
    Dis toi, que cette aversion que tu as eu, ce burn out c'est un signal d'alarme qui te dit STOP! Tu as de la chance d'être bien entourée, de vivre au Canada, d'être diplomée, écoute toi et ça ira... peut être doucement ou plus vite.
    Courage!
    Maryline

    • Merci beaucoup Maryline. Je t’envoie tout mon courage et soutien💕
      J’espère que ta formation en ligne t’aidera à changer de vie. Combien de temps va-t-elle durer?! Tu arriveras à continuer à aller au travail malgré tout?! Il n’est pas possible d’obtenir un congé de formation ?! Et si la drh ne te change pas de poste, est ce que le médecin du travail ne peut pas t’aider?!

      Ne t’inquiète pas pour ton stage, tu pourras toujours en faire un par la suite... il existe des conventions hors formation pour cela. Je te souhaite de réussir et surtout de quitter ton emploi pour t’épanouir avant de craquer à nouveau.
      Courage 😘

  • Un très bel article ! C'est en faisant les mauvais choix qu'on se rends compte de ce qui est bien pour nous :)

  • Oh la la comme ça a du être difficile tout ce temps :( parfois on gâche tout par peur de l'échec et ce dans plein de domaine. mais apparemment tu es sur la bonne voie !!!

    • Oui, lâcher prise plus tôt aurait vraiment été plus judicieux pour moi, ma famille et mes amies 😂 Il m’aura fallu 8 ans pour en prendre conscience...

    • Oui, c'est exactement ça!!! Merci pour ton soutien durant toutes ces années et pour prendre cette décision 💚

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