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Du rêve à l’enfer

Il y a des choses qu’on aimerait parfois dire.. pouvoir écrire… Mais on ne sait pas toujours par où commencer, comment trouver les bons mots, véhiculer la bonne intention. Ne pas envenimer les choses ou se mettre en danger inutilement. J’ai cherché maintes et maintes fois la manière de dire ce qui s’était passée, ces deux dernières années. Mettre des mots sur ce que j’avais vécu. Expliquer comment je suis passée du rêve à l’enfer de la violence. Justifier mon absence. Ou au contraire tout simplement revenir comme si de rien était. Sauf que je ne serai pas entièrement moi, si je faisais cela. J’aurai l’impression de mentir, de trahir…

Ma vie, cette mascarade

Pour beaucoup, ma vie semblait et semble toujours parfaite.  Les réseaux sociaux, une belle photo ou simplement un sourire… et on vous imagine vivre une vie remplie d’amour et de bonheur où tout vous réussi. J’ai pourtant toujours partagé mes humeurs, mes coups de gueule et surtout mes galères ici ou sur Instagram. Je ne cachais pas qui j’étais…

Mais pourtant, je vous ai menti… et pire, je me suis mentie pendant des années.

Ma vie empreinte de joie et d’amour… était en réalité une mascarade. Je ne le savais alors pas moi-même. Du moins, j’en avais pas totalement conscience. C’est beau comme l’amour ou parfois votre cerveau, pour vous protéger, vous empêche de voir la réalité telle qu’elle est. A moins que ce soit la méconnaissance, la naïveté ou simplement l’espoir?

Au-delà des apparences

Derrière les portes, on ne sait jamais ce qui s’y passe… Derrière un sourire, on ne voit pas les traumatismes. Derrière une belle photo, on ne voit pas les souffrances. Pourtant, j’avais absolument tout pour être heureuse me diriez-vous. J’étais en couple depuis plus de 10 ans, j’avais une maison en France que j’avais réalisé à mon image, un métier qui me passionnait, des amis, ma famille… et une nouvelle vie au Canada que j’avais souhaité. J’avais même réussi à reconstruire mon entreprise ici, à trouver la maison de mes rêves et à enfin devenir maman. Après ce si long parcours du combattant, je donnais enfin naissance à la plus belle des petites citrouilles. Mais voilà… tout n’est pas si rose. Lorsqu’on gratte à la surface, on découvre parfois de la pourriture.
Je me suis efforcée pendant des années à croire en un avenir meilleur et que l’amour était plus fort que tout. Quelle belle ironie! Ce qu’on croit parfois être de l’amour n’est qu’une emprise ou de la violence. En prendre conscience et s’en libérer peut être tortueux et difficile. Quand une telle relation abusive se termine, l’ambiguïté malsaine et de nombreuses peurs continuent à vous habiter. À vous hanter. Jour et nuit. Vous empêchant ainsi de rompre totalement et de retrouver votre liberté. Et cette liberté a un prix! Douloureux en ce qui me concerne…

Briser ma cage dorée

Prendre la décision de partir, d’abandonner ma maison et mon « confort », faire une croix sur cette famille que j’avais tant rêver, sur des ideaux de vie comme l’école à la maison ou la permaculture… de tout quitter pour une vie plus saine, douce et sereine est la chose la plus difficile que j’ai eu à faire. Et pourtant c’était primordial… pour ma survie, ma sécurité, mon intégrité.
Pour casser ce cycle infernal de la violence, pour m’en sortir… pour m’en rendre compte… « j’ai dû vivre » des événements traumatisants que je ne souhaiterai même pas à mon pire ennemi. Etre humiliée par la personne que vous aimez, devoir ramper dans de l’urine ou ne pas pouvoir manger à sa faim, être priver de ses biens et ressources… de sa liberté. Se retrouver à terre, se sentir mourir lentement et ne plus avoir aucun espoir de s’en sortir…
En franchissant la porte, cette nuit de novembre 2022, je savais que je n’y reviendrai plus jamais. Que je tournais la page définitivement, que je clôturais notre histoire alors que l’amour perdurait toujours. C’était nécessaire pour s’en sortir, pour être en sécurité enfin… pour juste arrêter de survivre et commencer simplement à vivre. Je suis partie, avec seulement un sac, ma citrouille et mon chien escortée par la police pour aller à La gitée à Thetford Mines. Un foyer pour femmes victimes de violence conjugale ou comme on l’appelait avec ma citrouille, « la maison des filles ». Ce n’était pas mon premier séjour malheureusement mais ça a été celui qui a brisé mes chaines, qui m’a rendu l’espoir et qui m’a libéré de cette cage dorée.

Mais pourquoi être restée ?

Certains me liront et ne comprendront pas pourquoi je suis restée tant d’années. Certains diront que j’étais idiote ou que j’aimais me faire maltraiter (malheureusement, on l’entend trop souvent!). Moi même, je le clamais haut et fort, que je ne serai pas restée dans de telles circonstances. Et pourtant… une fois l’amour installé, les projets, une famille… une fois que tu te retrouves seule sans amies et famille à des milliers de kilomètres… une fois cette cage dorée construire… tu te retrouves prisonnière. Les tourments passés, les excuses et justifications, la supplication de lui pardonner ou à l’inverse, dire que tout venait de moi, que j’étais folle… encore et encore… les promesses de changement et thérapies… je suis restée. Je trouvais des excuses et en acceptais certaines. Je me sentais responsable et je l’avais « bien cherché » comme il disait. Après tout, les premières années, la violence n’était pas contre moi. Ce n’était que de la « colère ou de l’impulsivité » comme l’ont dit certains. Sauf que voilà… les années passent et la violence s’intensifie. Parfois il se passe des mois sans qu’il y ait quoique ce soit… et tu crois enfin qu’il a changé. Que cette fois-ci, il tiendra ses promesses. Et la tasse brisée, le trou dans le mur ou le meuble renversé te font comprendre que non. Encore une fois, tu te dis que ce n’est pas si grave… tu n’as reçu aucun coup. Et un jour, tu es enceinte… et là, tu te retrouves au sol. Soit disant un accident. La manipulation est telle que tu ne sais plus quoi croire et quoi penser. Tu as réellement l’impression de perdre la tête!

Les mois se succèdent. Les disputes aussi. Tu n’oses pas en parler. De peur d’être jugé. Et quand tu cherches de l’aide auprès d’un médecin, de ta belle-famille ou d’une amie, on te dit que ça va passer, que c’est son tempérament… que c’est l’arrivée du bébé qui a tout bouleversé. Sauf que des excuses, il y en a eut des tas. La naissance, le covid, le confinement, le stress ou la promotion au travail, les finances ou encore son passé familial… ou simplement une éponge pas rangée à sa place.
Tu te dis alors que l’amour est plus fort que tout. Que ce n’est pas l’homme que tu as connu. Que tu t’es mariée pour le meilleur et pour le pire. Que si au début c’était magique et idyllique, ça peut revenir… Ce qui te fait rester après tout, c’est l’espoir! Quelle sacrée erreur! Mais c’est facile de le réaliser maintenant.
Il paraît que les choses n’arrivent pas pour rien. Et c’est bien vrai! Il y a 3 ans voir 4 ans, j’avais fait mon premier séjour à la Gitée. À ce moment là, j’étais follement amoureuse et j’avais tellement envie d’y croire, que je n’ai pas pris en compte les chiffres. Seulement 2-3% des hommes changent réellement après une thérapie. J’avais tellement envie d’y croire à toutes ces belles promesses… Ca a duré 6 mois avant que ça ne recommence… Cette fois ci, plus sournoisement. Ce n’était plus seulement des insultes mais plutôt du dénigrement, du contrôle (financier, alimentaire, les relations, le travail), beaucoup de culpabilité et reproches… Mensonges, manipulation, intimidation et chantages, étaient mon quotidien. J’aurai tellement de choses à dire, à décrire et à expliquer.. pour la plupart négative, que cela n’en vaut pas la peine de s’y attarder.
Avec le recul, à ce moment là, je n’étais pas assez outillée, armée et pas assez forte pour me défendre. Je n’étais pas prête à tout perdre. J’étais à des milliers de kilomètres, seule, sans soutien. Sans ressources. Je ne voulais pas admettre que j’avais échoué. J’étais terrifiée à l’idée de devoir tout recommencer, encore une fois. Il m’aura fallut 2 années supplémentaires pour oser partir. Traverser les moments les plus humiliants de ma vie jusqu’à croire que j’allais mourir…

Et après?

Cette liberté a un prix et je ne l’avais pas mesuré à sa juste valeur. J’ai eu la bêtise de croire que si la relation se terminait, la violence s’arrêterait. Que si j’en parlais, cela ne pourrait plus recommencer et que surtout en le signalant aux bonnes personnes/organismes, nous serions protégées. Ahhh c’est sûr, la violence n’est plus quotidienne mais elle perdure. Toujours. Financièrement. Psychologiquement. Et même les proches ou les amis deviennent des outils de cette violence qui ne cesse d’augmenter. Jouer sur les peurs de l’autre, continuer à menacer, à surveiller.. étirer les procédures judiciaires… tout cela n’est que violence, manipulation. Voir méchanceté et vengeance. Sans oublier parler des impacts sur ma vie et mon rôle de maman… Voilà le prix de ma liberté!
Je pensais être libre mais en réalité, une fois la porte franchie et le refuge trouvé.. un autre combat m’attendait. Long et difficile. La perte de contrôle sur l’autre, l’image ou la réputation qui se fissure, la vérité qui éclate tout cela ne cesse d’attiser sa haine et sa vengeance. Une vie où je regarde sans cesse par-dessus mon épaule commence…. Depuis presque 1 an et demi, ma vie a radicalement changé. Me reconstruire prend du temps. Redécouvrir qui je suis, ce que j’aime et ce que je veux a été très long et plus que nécessaire dans ce cheminement.

Partir a été un moyen de me libérer. Porter plainte, celui d’une justice. Parler ici, est le moyen que j’ai trouvé pour rompre ce lien toxique, cette relation dangereuse, ce silence. Partager, c’est surtout pour aider à mon tour quelqu’un qui se trouverait à des milliers de kilomètres de chez soi et qui ne saurait comment faire pour s’en sortir. Aider quelqu’un qui ne connaîtrait pas toutes les ressources disponibles au Québec et que j’ai découvert. Bref, rompre le silence et témoigner est pour moi une manière de me reconstruire, de me pardonner d’être restée et de sensibiliser autour de moi.

J’ai été brisée et anéantie. Je suis morte de l’intérieur à petit feu.. mon âme, ma lumière et ma personnalité ont été détruites tel un miroir qui se brise. Ce miroir, brisé à coup de rage, qui a failli brisé bien plus qu’un objet. Ces éclats qui m’ont ouvert les yeux la première fois… et qui finalement aujourd’hui nous offre cette nouvelle vie.

Le prix de cette liberté est lourd à payer et les dommages collatéraux sont immenses. Pourtant je sais que je suis plus forte aujourd’hui, que le meilleur est à venir et que surtout ma vie ne sera plus synonyme de violences. La noirceur de certaines personnes est telle qu’elle peut t’entraîner à ta perte. Mais comme dirait Dumbledore « Vous savez, on peut trouver le bonheur même dans les moments les plus sombres. Il suffit de se souvenir d’allumer la lumière ». Et cette lumière, je la retrouve enfin petit à petit.

J’écris ces quelques lignes, pour toi… qui peut-être passera par les mêmes tourments que moi, qui te sentira seule, démunie et désemparée… promis, ça va aller! Tu vas t’en sortir, tu peux trouver de l’aide et te choisir. Je te crois! Je suis là!
Soulier vert: Sarah, 33 ans, nancéienne installée au Québec. Ancienne étudiante en histoire de l'art, désormais blogueuse lifestyle et pop-culture. Un poil geek, fan de mode retro et d'Harry Potter, c'est avec une tasse de thé que je vous accueille dans mon univers.
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